Paul Aussaresses, la torture est mon métier : un podcast à écouter en ligne | France Culture (2024)

8 janvier 1957. Le général Massu quadrille Alger avec sa 10ème division parachutiste. Pas moins de 8 000 hommes. La grande répression d’Alger va commencer. La torture, elle, va se généraliser. À la «manœuvre», Paul Aussaresses.

Épisodes

• • 

    Épisode 1/4 : Des survivances glaçantes

    8 janvier 1957. Massu prend possession d’Alger avec ses parachutistes de la 10ème division. La torture va désormais être au centre de la politique de «pacification». Combien en ont été victimes en toute légalité?

    1 juin 2023 • 14 min

  • 

    Épisode 2/4 : Aussaresses se met à table

    Celui qui va se qualifier lui-même de voyou de la République, décide, 40 ans après la signature des accords d’Évian mettant un terme à la guerre d’Algérie, de tout révéler sur la torture.

    1 juin 2023 • 12 min

    See Also

    Mort du général Aussaresses, tortionnaire en AlgériePaul Aussaresses en 2000 : « Je n'éprouve pas de remord pour la torture en Algérie » | INALes aveux du général Aussaresses : "Je me suis résolu à la torture"Paul Aussaresses, du héros de la seconde guerre mondiale au tortionnaire d'Algérie
  • 

    Épisode 3/4 : Le bouquin

    En publiant le 3 mai 2001 aux éditions Perrin un ouvrage choc intitulé «Services spéciaux: Algérie 1955-1957 » dans lequel il reconnait l’usage de la torture et son utilisation légitime, Paul Aussaresses persiste et signe.

    1 juin 2023 • 15 min

  • 

    Épisode 4/4 : Un procès pour l’histoire?

    Comment trainer un homme devant la Justice alors que des lois d’amnistie votées à l’issue des accords d’Évian les disculpent des crimes qu’ils ont commis? Alors c’est un livre qu’on va juger!

    1 juin 2023 • 13 min

Attention, certains propos et images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.

Il fallait le faire

Pour, dit-on, «pacifier la ville», celui qui n’est encore que commandant, Paul Aussaresses à qui Massu, son supérieur hiérarchique direct lui a donné carte blanche, la torture s’institutionalise, devient légale avec l’accord tacite d’un exécutif bien décidé à garder ce qui lui reste de son empire colonial. Le fervent communiste Henri Alleg, journaliste et ancien directeur du journal Alger Républicain va être un des premiers à dénoncer cette torture systématique et que tous justifient comme nécessaire. Il va en faire les frais. Il est arrêté le 12 juin 1957, au domicile de son ami Maurice Audin, comme des milliers d’autres victimes de mauvais traitements, d’humiliations, de passages à tabac, de tortures, de viols, de femmes et d'hommes.

En devenant sa confidente, Florence Beaugé, l’ancienne journaliste du Monde,ne cesse de publier afin de faire émerger la parole des acteurs et des victimes et vient confirmer de façon indiscutable le système mis en place par Aussaresses. Celui qui se qualifie lui-même de «voyou de la République» va finir par se mettre à table, pousser à faire ses révélations par sa seconde épouse. C’est ce qu’il fait en publiant le 3 mai 2001 un ouvrage choc intitulé Services spéciaux: Algérie 1955-1957dans lequel il persiste et signe: la torture était systémique et son utilisation était légitime.

Un livre et un procès… mais pas pour crime

Avec son livre intitulé Services spéciaux: Algérie 1955-1957 publié aux éditions Perrin, véritable pavé dans la mare de l’armée, la grande muette devient bavarde. Sans doute même un peu trop. Aussaresses est trainé devant la Justice. La force du symbole?

Près de 40 ans après ses crimes, il va soulager sa conscience auprès de la journaliste Florence Beaugé du Monde et de Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation, réalisatrice et écrivaine. Il leur raconte par le menu comment il a mis en place ce qu’il appelle «les techniques de la bataille d’Alger», comprendre arrestations massives, renseignements et tortures. Techniques qu’il va même enseigner aux États-Unis à Fort Bragg aux «bérets verts» en partance pour le Viêt Nam. Dans la guerre révolutionnaire, l'ennemi c'est la population. La torture est indispensable tout comme l’exécution de ceux qui ont été torturés, enseigne-t-il alors.

En déclarant y avoir eu largement recours, notamment pendant la bataille d’Alger, le vieux colonel tombe en disgrâce. La publication de son ouvrage, le 3 mai 2001, va en agacer plus d’un. On tente même de l’assassiner.
Spécialiste du renseignement, l’élimination est son «métier». Combien d’escadrons de la mort a-t-il ainsi formés? Oui, mais les lois d’amnistie votées successivement à partir de la signature des accords d’Évian «blanchissent» les acteurs qui ont mis en place ce système de la torture légitimée. Aucune juridiction ne peut plus désormais juger ces hommes pour les crimes qu’ils ont commis en Algérie. Même ceux de l’OAS, qui, avant de revenir en France, ont passé quelques années à se refaire une santé dans l’Espagne franquiste.
Pourtant, la Ligue des Droits de l’Homme l’attaque en Justice: en janvier 2002, Paul Aussaresses est reconnu coupable par la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris de «complicité d’apologie de crimes de guerre». Il est condamné à une amende de 7 500 euros. L’éditeur, lui, le sera plus lourdement avant que la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne casse le jugement.

Pour en parler

• Sylvie Thénault, historienne, directrice au CNRS, spécialiste de la guerre d’indépendance algérienne
• Florence Beaugé, ancienne journaliste au journal Le Monde
• Malika Rahal, historienne française et algérienne spécialiste de l’Algérie
• Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation, réalisatrice et écrivaine
• Claire Mauss-Copeaux, historienne de la guerre d’Algérie et des violences de guerre
• Gilles Manceron, historien, spécialiste du colonialisme français. Membre de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) et du CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire)
• Maître Henri Leclerc, avocat, président d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH)

Bibliographie sélective

Ouvrages:

• SERVICES SPÉCIAUX. Algérie 1955 - 1957, Paul Aussaresses (Perrin, 2001)
• Je n’ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France, Paul Aussaresses (Le Rocher, 2008)
• Pour la France. Services spéciaux 1942-1954, Paul Aussaresses (Le Rocher, 2001)
• Escadrons de la mort, l'école française, Marie-Monique Robin (La Découverte, 2008.Collection La Découverte Poche / Essais n° 268)
• La Guerre d’Algérie. 1957-1962, Yves Courrière (Fayard, 2001). Quatre tomes.
• La torture dans la République. Essai d'histoire et de politique contemporaine (1954-1962), Pierre Vidal-Naquet (Éditions de Minuit, 1972. Collection Documents)
• La Question, Henri Alleg (Lausanne, E. La Cité, 1958 ; Paris, Les Éditions de minuit, Alger, Éditions Rahma, 1992)
• Mémoire algérienne, Henri Alleg (Stock, 2005)
• La grande aventure d’Alger Républicain, Henri Alleg,Abdelhamid Benzine etBoualem Khalfa (Delga, 2012 - 1ère édition, Messidor, 1987)
• Meurtre dans le Pignadar, Robert Escarpit (Hachette, 1986. CollectionPoliciers, n°4). Plus commercialisé

Bande dessinée:

• Qui a tué le président?,Jean-Pierre Pécau, Fred Duval et Fred Blanchard pour la sérieJour J, tome 5(Delcourt, 2011. Collection Neopolis). Dessins, Colin Wilson. Couleurs, Jean-Paul Fernandez. Couverture, Fred Blanchard et Manchu.

Filmographie sélective

Documentaires:

• Les escadrons de la mort. L’école française(2003), Marie-Monique Robin
• La Guerre d’Algérie (1972), Yves Courrière etPhilippe Monnier

Long métrage:

• Les Centurions(Lost Command.1966), Mark Robson

Remerciements

Merci à celle qui m’a inspiré cette série, Merima Huseinbasic, rescapée de la guerre de Bosnie, spécialiste des crises et des conflits, ancienne du TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie).
Merci à Indiana Burkel pour son aide précieuse dans la fabrication de ce documentaire.

Musique

Sonic Youth, Silver mirror, Silver breeze et Silver panties -Daniel Wohl, Replicate Part 1 - Deathprod, Tron - Olafur Arnalds Wide open - Frahm, Human range,All melodyet Harm hymn-Cherif Kheddam, Loghna Yagui -Exhaust, Gauss -Julia Kent Flag of no country.

Générique

Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet.Prise de son des textes, Éric Boisset.Mixage, Julien Doumenc. Coordination, Christine Bernard. Archives Ina, Delphine André. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.

Pour en savoir plus

• 1.000 autres, le site pour tout savoir sur ceux qui ont été enlevés, détenus clandestinement, torturés et parfois assassinés par l’armée française.

Paul Aussaresses, le tortionnaire d’Alger s'inscrit dans la collection Criminels de guerre, une série de France Culture comprenant huit volets (quatre hommes et quatre femmes) à suivre en podcast et sur l'antenne de France Culture.

Une histoire particulière, le samedi et le dimanche de 13h30 à 14h sur FranceCulture

Raconter des histoires du réel, et par le singulier toucher l’universel. Le documentaire est le récit d’une histoire vraie. C’est un fait divers au sens propre et sans tiret: la rencontre entre un documentariste et une histoire qui nous emmène là où généralement nous n’allons pas.